Lame de fond, Marlène Tissot






Lame de fond réitère un thème tanné. Il le passe sur le billot de la Boucherie littéraire. Marlène Tissot le découpe sans exercice, avec une méticuleuse sincérité.

Lame de fond racle et balaie la mémoire, rase le passé pour en collecter et goutter chaque miette, chaque grain, car Ici on parle de grain. Ailleurs, de folie. Lame de fond ramène la personne son personnage à la mer tuer le père un peu plus ramener le père s'amarrer.

Lame de fond a l'écriture immersive et quotidienne de Marlène Tissot passée à l'attendrisseur, martelée et martelée jusqu'à dessiner une tendresse dure où l'on marche au bord de tous les temps.
A redéfinir les vagues des intimes.

Au fil des pages se fait le chemin, à la fois emporte et creuse.





Lame de fond, Marlène Tissot, collection Sur le billot,
éditions La Boucherie littéraire, 2016 

Sans envie de rien, Jean-Louis Massot






 
Le ton par titre et forme pourrait mentir, en être fantaisiste, voire carrément guilleret,
si parfois le propos de Jean-Louis Massot ne fixait pas le critique, voire l'acerbe,
dans une position de juste retrait impossible à reprocher.

Souvent d'instants sans (vraiment ?) envie de rien plutôt que d'objets,
il s'agirait d'une liste précieuse, ou de conditionnels mais sans condition,
d'instants plus poétiques qu'intéressés, de questions en soi à soi
dans une suite de « j'aurai aimé être ou ne pas être »,
chaque page soulignée par une illustration de Gerard Sendrey
qui elle-même vient tordre ou l’œil ou le texte.

Sans envie de rien un relevé qui chiffonnerait le réel,
qui chiffonnerait allègrement l'esprit du lecteur
et se donne comme un effeuillé perpétuel et spirituel.

  



Sans envie de rien, Jean-Louis Massot, illustrations Georges Sendrey, Cactus Inébranlable éditions, 2015





p(H)ommes de terre, Thomas Vinau, René Lovy







 
La voix de toute une population, le peuplement d'une voix.

          Tout un tas de mots coincés entre les dents tombées de patates, pensées profondes, mordantes voire vindicatives, qu'on n'ose prononcer fortement, mais sûrement, laborieusement cultivées.

          Ces voix se rehaussent, ou plutôt s'écoulent du travail sculptural de René Lory, mis en sens par la main ferme mais tendre de Thomas Vinau.

          Il y a là la récolte d'un dépassement de la singularité de chaque p(H)omme fondu dans un universel potager humain, le temps silencieux du dedans enfin dehors.







p(H)ommes de terre, Thomas Vinau, photographies, René Lovy, Editions de La Boucherie littéraire, 2015




Juste envie de souligner, Thierry Radière






 
Poésie confidences

          Il y a comme une mise en scène de l'acte de la part de Thierry Radière, à la recherche de quelque chose d'enfoui mais non véritablement perdu, entre événement et certitude, où en fin de compte l'acte simple en lui-même permet d'équilibrer la main, stabilise l'impression sensible et fugace de précarité et ramène ou plutôt achoppe au quotidien.

          Les différentes immersions semblent autant de retours en arrière que de recul nécessaire pour apporter une matérialité au mot, avec la conscience que ce n'est peut-être pas bien important, mais tout de même une (très) bonne raison pour avoir Juste envie de souligner.






Juste envie de souligner, Thierry Radière, Éditions La Porte, 2015


Éditions La Porte, Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin, 02000 Laon




Sillages improbables, Véronique Joyaux







          Découverte par Les âmes petites, aux Carnets du Dessert de Lune. Un recueil immensément humain et irrépressible.
          Sillages improbables procède d'une autre dynamique, plus intérieure mais pas moins "domestique". Attiré d'abord par le partage d'un large empan lexical, puis. Véronique Joyaux, dans une écriture tantôt contemporaine, tantôt plus « classique », fixe des tableaux où s'alternent intimité, indignation et interrogation. La plupart délinéant un instant questionnant tacitement et avec simplicité sa compréhension du monde, de soi, de la place à y tenir.

          Quand on ne comprend plus / n'adhère plus au monde, on s'accroche à en chercher un sens ailleurs. De ce fait l'écriture y est prépondérante, en tant qu'exutoire, outil, et objet. L'auteure se penche sur ces improbables sillages que sont les mots comme un moyen d'obtenir une préhension sur, être certaine de la palpabilité des toiles traversées, et poursuivre sa route.






Sillages improbables, Véronique Joyaux, illustrations Claude Perchenet, Éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 2015



 

Calepin, Heptanes Fraxion







Aux premières impressions : kraft et lignage, graphisme sympa, cohérent, objet original, souple, comme son écriture.
Puis, on baigne, on part avec. Va savoir pourquoi, en le lisant, le narrateur a pris la voix de Rorschach, (film Watchmen). Avec un narrateur comme ça, on ne peut que...
Un goût de Sur la route, contemporain, un Sur sa route et ses rencontres. S'il y avait de l'arrache, c'était très bien, ça apporte de l'immersion, de l'immédiateté. On assiste, accompagne, compagnon, on marche avec (mais je l'ai déjà dit). Bref, un grand petit concentré. 






Calepin, Heptanes Fraxion, illustration de couverture, Vince Larue, édition-impression, Jan Bardeau, 2014